Assurer la survie de l'entreprise grâce au mandat posthume.
L'article 812 du Code civil prévoit que toute personne peut désigner un ou plusieurs mandataires chargés, après son décès, d'administrer ou gérer tout ou partie de son patrimoine successoral dans l'intérêt des héritiers.
Le mandat posthume est d'un intérêt tout particulier pour le dirigeant d'entreprise puisqu'il va lui permettre d'anticiper les difficultés liées à son décès en cours de fonction. Le but est, en effet, de permettre à l'entreprise de survivre pendant la succession puisque lorsqu'un dirigeant décède diverses conséquences peuvent mettre à mal la continuation de la société :
- Son mandat de dirigeant prend bien évidemment fin, la société ou l'entreprise se trouve alors sans représentant;
- Les titres de la société ou les biens de l'entreprise se trouvent inclus dans la succession et devront être partagés entre les héritiers : des tensions peuvent apparaître;
- Au final, la société ou l'entreprise va pouvoir se trouver avec une multiplicité de dirigeants qui ne s'entendent pas et péricliter.
Le mandataire désigné va donc être nommé pour assurer la gestion de l'entreprise, des parts/actions pendant la succession.
1/ Comment faire un mandat à effet posthume ?
A. Les conditions de validité
Le choix du mandataire.
Le mandat doit être justifié obligatoirement par un intérêt légitime et sérieux puisqu'il
prive un ou des héritiers de leurs droits sur les biens de la succession qui concernent
l'entreprise/la société :
- On peut citer par exemple le fait que les héritiers n'ont pas la compétence de gérer
l'entreprise;
- Les héritiers peuvent être en discorde;
- Ou encore ils ne s'intéressent pas du tout à l'entreprise.
Le mandataire en lui-même peut être une personne physique ou une personne morale :
- Ce peut être notamment le notaire en charge de la succession;
- Il doit être pleinement capable;
- Et bien entendu doit avoir les aptitudes requises pour la gestion d'un patrimoine
notamment d'une entreprise.
Le mandataire peut être seul ou non.
Le conseil : privilégier la désignation de plusieurs mandataires peut être une stratégie
pour pallier à l'inefficacité, le décès, la renonciation de l'un des mandataires. Ces
mandataires peuvent être affectés à des missions différentes : pour l'un gérer les
affaires de l'entreprise et pour l'autre gérer la patrimoine privé.
Les autres formalités.
S'agissant des autres formalités, on pourra faire remarquer que :
- Le mandat n'a pas à être publié;
- Le mandat doit être donné et accepté par acte notarié avant le
décès.
Le consentement des héritiers n'est pas nécessaire ni même leur information. Mais, pour
des raisons de bon déroulement du mandat, il peut être préférable de procéder à cette
information.
Le mandat doit enfin être donné dans l'intérêt d'un ou plusieurs héritiers : il est cependant
préférable de donner ce mandat dans l'intérêt de l'ensemble des héritiers pour éviter des
conflits ultérieurs.
Remarque : ça coûte combien un mandat posthume ? Il faut compter les émoluments
du notaire, soit environ entre 175 et 180 € Ht pour le coût du mandat. Il faut y ajouter le
droit fixe de 125 € pour l'enregistrement de l'acte.
B/ La durée du mandat.
Le mandat débute à partir du décès du dirigeant et est limité à un maximum de 2 années ou
5 années dans certains cas.
Cette durée est néanmoins prorogeable par un juge sur demande d'un héritier ou du
mandataire.
2/ La mission du mandataire.
A/ Le cas où le mandat a été donné par un entrepreneur individuel.
Le mandataire peut gérer et administrer l'entreprise même avant acceptation de la
succession :
- Effectuer les opérations courantes (gestion du stock, paiement des dettes, ...);
- Renouveler certains contrats comme les baux commerciaux;
- Quand la succession est acceptée, le mandataire a même le droit de réaliser des
actes plus importants, comme embaucher ou licencier un salarié, voire même mettre
en œuvre la politique de l'entreprise décidée par l'entrepreneur décédé.
Attention toutefois, le mandataire ne peut pas vendre ou apporter le fonds de commerce en
société, cela lui est interdit.
B/ Le cas où le mandat a été donné sur des titres sociaux.
Dans ce cas, la situation est particulière car le droit considère que le mandataire ne peut être considéré comme dirigeant à la place du dirigeant.
Le droit ne considère pas plus le mandataire comme un associé : là où ce mandat peut se trouver défavorable est dû au fait que la qualité d'associé revient aux seuls héritiers qui ont tous pouvoirs, en vertu des statuts, pour agréer ou non les décisions du mandataire.
Toutefois, le mandataire dispose de pouvoirs lui permettant de gérer le patrimoine du dirigeant défunt :
- Le mandataire va voter sur toutes les décisions qui ont trait à l'administration et à la gestion des titres, l'approbation des comptes, l'affectation des résultats, la décision de distribuer ou non des dividendes.
- Il peut vendre les titres si cela s'avère nécessaire mais sans aboutir à la cession de la société ou de son contrôle.
- Il peut demander la nomination d'un administrateur provisoire si la société est paralysée en raison d'une mésentente grave.
- Il peut être néanmoins être nommé dirigeant et tout particulièrement dans les SAS où la souplesse rédactionnelle des statuts domine.
C/ Rapport de mission.
Le mandataire doit, comme dans tout mandat, rendre compte de sa gestion aux héritiers et les informer des actes qu'il a pris.
Bien entendu, la responsabilité du mandataire sera engagée en cas de faute dans sa gestion.
3/ Et la question de la rémunération du mandataire ?
Par principe, le mandat est gratuit.
Par exception, une rémunération peut être prévue :
- Sous réserve que la rémunération soit calculée sur une partie des revenus générés par
les biens gérés par le mandataire (exemple : une partie des dividendes), voire un capital.
- La rémunération est prélevée sur la succession.
- La rémunération ne doit pas être excessive, dans le cas contraire une demande judiciaire
en réduction est possible.
Remarque : la rémunération est déductible de l'actif successoral servant de base au calcul des droits de succession, dans un maximum de 0.5% de cet actif et plafonnée à
10 000 €.
4/ Fin du mandat.
Le mandat prend notamment fin :
- En cas d'arrivée du terme prévu,
- Par la renonciation du mandataire,
- Par le décès de l'héritier pour le compte duquel le mandat a été donné,
- Par l'aliénation (vente, ...) des biens visés par les héritiers,
- Par le décès/dissolution du mandataire.
Le mandat peut aussi être révoqué par le juge, sur demande d'un héritier, quand l'intérêt de ce mandat a disparu ou que le mandataire exécute mal sa mission.
Conclusion : le mandat posthume est donc un outil indispensable du dirigeant s'il veut pallier à tout risque quant à la gestion de son entreprise, notamment en cas de décès. Cet acte est néanmoins soumis à de nombreuses règles complexes, n'hésitez pas à nous contacter pour vous accompagner dans vos démarches et pour vous donner tous les conseils nécessaires.
Source : www.blog.valoxy.org